Il se trouve que je suis élu dans une instance de l'université de Lorraine (le pôle AM2I). Nous avions convoqué par motion (voir le texte ci-dessous) le président de l'université pour qu'il vienne nous expliquer sa politique à moyen et long terme, afin que nous n'ayons plus à appliquer des coups de rabot uniformes sur les postes proposés au renouvellement sans avoir les moyens de réfléchir à optimiser notre situation collective.
Il est donc venu le 20 janvier, et le résultat est triste à pleurer. Il nous a tenu pendant deux heures le discours du "There is no alternative" (TINA). Le gel des postes [et la compression sévère de la masse salariale] est la seule voie capable d'assurer l'équilibre du budget. Cette mesure est également suffisante pour cela (pas besoin de réfléchir à autre chose), et elle marchera tout le temps (pas de risque d'une année où cela ne suffirait pas).
Étant donné que la pression budgétaire du GVT (source de tous nos malheurs) est de 4 ou 5 M€ par an sur un budget de 500M€, on comprend que le président ne puisse pas faire de budget à 1% près sur 5 ans. Mais alors, pourquoi est-ce que la masse salariale serait la seule solution pour économiser 1% du budget ? Quand il me manque 30€ ou même 50€ à la fin du mois, je ne vend pas les bijoux de famille et je ne fais pas d'emprunt à la banque. Mais TINA semble être une fatalité pour notre président.
Interrogé sur les portes de sortie s'offrant à nous pour éviter cette politique du rabot, il a répondu que la seule voie de sortie vers le haut avant 2019 (et l'augmentation des départs à la retraite) serait que la macro-économie reparte, donnant à l'état les moyens de financer l'ESR plus largement. Quand on sait que Pierre Mutzenhardt est président de la commission recherche et innovation de la CPU, on se dit que le gouvernement doit pas subir de pressions trop violentes de nos présidents
Une citation de notre président qui ne s'invente pas : "On peut me reprocher de ne pas être visionnaire, mais au moins je suis pragmatique"...
Et pendant ce temps nous sommes environ 25 enseignants en poste à Telecom Nancy, pour un besoin d'au moins 30 enseignants (l'équivalent de 10 postes sont fait en heure sup ou par des vacataires). En une demi-douzaine d'années, nous avons ajouté six groupes d'étudiants à notre offre : un groupe d'étudiants ingénieurs en première année (pour monter à 125 élèves), une spécialité supplémentaire en 2A et 3A ainsi qu'un cursus d'apprentis en trois ans. Mais personne dans le bâtiment ne se rappelle quand a eu lieu la dernière création de poste dans l'école (hors départ à la retraite). C'était il y a 15 ans au moins. Les enseignants de langue et plusieurs personnes des services supports sont payés sur fonds propres, car l'université s'est désengagée de cela aussi.
Cette année, c'est la fête : nos fonds propres ne seront pas ponctionnés à 60% comme prévu à un moment, et on ne nous supprime finalement pas de poste. On reste donc étranglés de la même manière, pas plus. Nous allons donc réduire notre offre de formation, les personnels sont fatigués de jouer aux pompiers sans être soutenus.
C'est logique, à quoi pourraient bien servir dans la France de 2015 des ingénieurs en informatique qui trouvent du boulot en moins d'une semaine en sortant de l'école ??
Motion du pôle AM2I du conseil du 23 octobre 2014
Quelle stratégie pour l'Université de Lorraine ?
Le conseil du pôle AM2I ne comprend pas les décisions de gel de postes dont les conséquences affectent la capacité de recherche des laboratoires du pôle scientifique tant à court qu'à long terme. Cette solution encore présentée comme temporaire est symptomatique d'une absence de vision stratégique.
Monsieur le président, en cette période difficile :
- Quelle est la situation réelle de l'établissement, quels sont les chiffres ?
- Quelle est la politique de l'université ? Quel est votre projet ?
- Pourquoi l'économie comptable passe-t-elle forcément par le gel des postes?
En tant qu'élus au conseil de pôle, nous avons besoin de comprendre la politique de l'université pour mener notre mandat. Nous souhaitons connaître le détail de la situation financière de l'université et comprendre la vision stratégique pluriannuelle de l'équipe du président. Pour cela, nous souhaitons rencontrer la présidence de l'université dans les meilleurs délais et d'ici début 2015, afin d'entendre les arguments de l'équipe de présidence et élaborer d'autres solutions que le gel des postes.
Motion approuvée par 19 voix pour et une abstention par vote électronique le 31 octobre 2014.