Après l'horreur de Charlie Hebdo, le monde semble se répartir en deux grands groupes.
Il y a ceux, les plus nombreux heureusement, qui crient "Je suis Charlie" pour défendre la liberté de la presse. Certains, abasourdis de tristesse, n'arrivent pas vraiment à le crier. Beaucoup de gens bien sont dans cet état, mais d'autres récupèrent la tristesse pour demander la peine de mort ou la légalisation du port d'arme... si, si.
En face, il y a ceux qui se réjouissent de ce dénouement, comme tous les fous de dieu : état islamique ou Œuvre Française par exemple. Eux ne sont pas Charlie, bien sûr. Le contraire eut été encore pire.
Moi, je sais pas, je me sens surtout mal à l'aise. Bien sûr que la perte de ces remparts contre la connerie humaine me fait mal. Bien sûr qu'ils n'étaient pas islamophobes (quoi qu'en disent certains), mais bouffe-curés comme il se doit, toujours à ruer dans les brancards quand la religion cherche à sortir de la sphère privée. Quelle que soit la religion. Ils n'étaient pas exactement contre la religion, mais plutôt contre les fous de dieux et les cons en général.
N'empêche. J'ai du mal à aller aux manifs.
Je n'ai vraiment pas envie de marcher avec Sarkozy ni même Valls quand il prétend pleurer Charlie. Je supporte assez mal de voir John Kerry expliquer en français que la liberté d'expression est un droit fondamental quand Obama a envoyé ses drones au Pakistan tuer 341 personnes dont il ne connaît pas toujours le nom, juste parce qu'ils pourraient penser pas comme il faut. Entendre Merkel parler du respect de la démocratie après toutes ses ingérences dans les affaires intérieures grecques me fait grincer des dents. Quand Depardieu se pose en défenseur de la république, heureusement qu'il reste des plaisantins sur internet.
Marcher contre les terroristes au risque d'être récupéré par des enflures, ou rester chez moi sans marquer un coup aussi ignoble, le choix est difficile, putain.
Tout cela a aussi déclenché une avalanche de haine où l'on demande aux arabes de se démarquer explicitement des fous de dieux. Ridicule et ignoble: d'une on peut être arabe et laïc, de deux ces fous n'ont plus rien à voir avec leurs dieux et de trois, (presque) tout le monde a accepté que Marine Le Pen refuse de prendre ses distances avec Breivik, le fou de son dieu à elle. Son père a même dit que "l'angélisme" était pire que l'attaque en question. Pourtant, ce gars a buté 77 futurs socialistes brillants de son pays. Il les a buté dans l'œuf pour être sûr que personne ne se rappelle de ce qu'ils n'ont pas eu le temps de faire. 77 personnes, cela fait 2,5 fois plus de morts violentes que sur toute l'année 2010 en Norvège. C'était planifié et réalisé de main de maître. @humourdedroite tweetait: "Breivik, c'est pas du travail d'arabe" et je riais des larmes.
Mais aujourd'hui, ce qui me met le plus mal à l'aise, c'est la peur des lois sécuritaires qu'ils vont nous pondre pour «répondre à la menace». Le décret de la loi de programmation militaire est sorti le ... 26 décembre 2014. C'est déjà tellement lourd qu'on voit mal comment ça pourrait être pire. Que va pouvoir inventer notre exécutif ? Il n'aura pas à chercher bien loin pour trouver l'inspiration, malheureusement. En Espagne, manifester pacifiquement est interdit depuis peu et on peut aller en prison si la police ne peut pas espionner nos ordinateurs.
Vous imaginez l'enfer si un jour on doit dire des trucs comme «quand ils ont abattu les islamistes sans chercher à les capturer vivants pour les juger, je n'ai rien dit : ils avaient tué Charlie» ?? Décidément, ce triste monde tragique pue sérieusement la mort. Le mieux est peut-être d'en rire.
Sinon, il reste les copains de LDN et la quadrature pour tenter de résister à l'hystérie.
PS: Pourquoi Camille? Parce que!